Sepideh Gholian «Le régime oppresseur et le peuple iranien savent tous deux que la démocratie finira par l’emporter» ¶
Présentation ¶
Sepideh Gholian est journaliste, militante féministe et écologiste. Elle a écrit cette lettre en juin 2023 à la prison d’Evin.
Militante féministe et écologiste, la journaliste Sepideh Gholian a été condamnée en 2018 pour avoir couvert les grèves ouvrières de la raffinerie de sucre de Haft-Tappeh. Brièvement libérée, la jeune femme de 28 ans a été réincarcérée en 2019 et condamnée à une peine de cinq ans de prison pour « atteinte à la sécurité nationale ».
« MON MESSAGE VOUS PARVIENT depuis les murs de la prison d’Evin ¶
« MON MESSAGE VOUS PARVIENT depuis les murs de la prison d’Evin. Un édifice vieux de plus de cinquante ans qui est, paradoxalement, synonyme de torture et de répression, mais aussi un symbole des aspirations à la liberté et à la justice pour notre pays, l’Iran. Un jour viendra, dans un Iran libre, où le nom d’Evin nous rappellera, tout à la fois, les jours les plus sombres de notre histoire et la valeur inaliénable de la liberté.
J’ai été incarcérée pendant un certain temps au sein de la section 209 d’Evin, aux côtés de Cécile Kohler ¶
J’ai été incarcérée pendant un certain temps au sein de la section 209 d’Evin, aux côtés de Cécile Kohler, militante syndicaliste française. Cécile est une femme courageuse, emprisonnée uniquement pour avoir exprimé son amitié envers des syndicalistes iraniens. Ses geôliers lui ont interdit de rencontrer sa famille et son compagnon, ainsi que de parler aux autres prisonniers.
Lors d’un de nos échanges, elle était submergée par une immense tristesse.
Alors, pour nous réconforter mutuellement, nous nous sommes prises dans les bras. Son plus grand regret était les aveux forcés qui lui ont été extorqués pour la télévision iranienne.
Elle m’a confié vouloir s’excuser auprès du peuple iranien. Elle ne connaissait pas les affres de la République islamique. Ce jour-là, ils l’ont transférée ailleurs. Dans un endroit où même pleurer allait lui être interdit.
Evin n’est pas l’unique prison où sont enfermés les dissidents iraniens. Il y a des dizaines d’autres prisons qui enferment des prisonniers d’opinion, par milliers. Le régime oppresseur et le peuple iranien savent tous deux que la démocratie finira par l’emporter grâce à l’ampleur des mouvements protestataires qui ont jailli à l’intérieur du pays. Le vrai cauchemar du tyran iranien, c’est le peuple iranien lui-même. Le mouvement ouvrier constitue une figure de proue du mouvement social en Iran, mais il est aussi le plus réprimé. Ces dernières années, malgré la répression et l’interdiction des syndicats, les ouvriers iraniens ont réussi à organiser des centaines de grèves, suivies, dans différents secteurs.
Pas un phénomène passager ¶
Le mouvement « Femme, vie, liberté » a été une grande expérience de mobilisation, bâtie sur le socle des luttes précédentes, qui démontre la volonté unanime du peuple iranien de renverser le régime actuel.
Ce mouvement ne doit pas être considéré comme un phénomène passager .
Les mouvements ouvriers, les soulèvements et les manifestations pour protester et revendiquer ses droits ne doivent être ni dangereux ni interdits ; ils constituent un droit fondamental. La convergence de ces deux mouvements a suscité l’adhésion de pans entiers de la population iranienne.
Le mouvement ouvrier figure parmi les plus progressistes du pays. La présence marquée des femmes, plus particulièrement ces dernières années, la solidarité quasi explicite avec la communauté LGBTQI +, le soutien au mouvement pour la défense des droits des minorités ethniques et les revendications des enseignants démontrent que le mouvement ouvrier a conscience de la transversalité des luttes et croit à l’implication de toutes les classes et groupes sociaux.
Je me joins à mes codétenus pour vous transmettre mes salutations fraternelles depuis la prison d’Evin. J’espère que notre union pour nous opposer aux régimes tyranniques, partout dans le monde, et en particulier en Iran, aboutira bientôt à des changements majeurs au profit des peuples du monde.
En tant que femme dont une partie de la vie a été consumée par la prison, l’exil et la torture, uniquement pour avoir exigé la justice, je peux dire que l’espoir est mon bien le plus cher . Gardons-le toujours dans nos cœurs… Avec l’espoir de la victoire du peuple iranien.