Viens en Iran si tâes un homme 𣠶
Introduction ¶
En ce 8 mars 2023 porteur de nombreux combats, je reprends quelques mots au poĂšte Shafiei Kadkani , pour tenter de porter jusquâici la flamme du combat des femmes dâIran.
Vous pouvez les soutenir en allant manifester (Ă 14:00 place de la RĂ©publique pour les parisiens), ou simplement en amplifiant leur voix.
Shafiei Kadkani ¶
Mohammad Reza Shafiei-Kadkani (persan : Ù ŰÙ ŰŻŰ±Ű¶Ű§ ŰŽÙÛŰčÛ Ú©ŰŻÚ©ÙÛ), nĂ© le 12 octobre 1939 Ă Nichapur au Khorasan-e-razavi, est un des poĂštes et sĂ©miologue iraniens du XXe siĂšcle.
Il est notamment connu pour son Ćuvre MusicalitĂ© de la poĂ©sie.
Il a édité les travaux des poÚtes classiques persans les plus importants, notamment Bidel Dehlavi.
Texte 𣠶
Viens en Iran, si tâes un homme,
Viens et sois Nika, ¶
qui avait Ă peine dix-sept ans lorsquâelle est descendue dans la rue et a grimpĂ© sur des capots de voitures et sur des poubelles, mettant le feu Ă son foulard et lâagitant vers la police tout en scandant âfemme vie libertĂ©â
Nika a été pourchassée, battue, enlevée et rendue à sa famille dans une housse mortuaire.
Viens et sois Maedeh, Setareh, Sarina, ou une de ces adolescentes qui font exactement la mĂȘme chose, Ă chaque manifestation Ă travers le pays depuis prĂšs de six mois maintenant,
Alors quâelles savent ce qui est arrivĂ© Ă Nika.
Viens en Iran si tâes un homme
Viens et sois Asra ¶
Qui est allĂ©e Ă lâĂ©cole un jour et a reçu pour consigne de chanter une chanson de propagande Ă la gloire du dictateur, avec ses camarades de classe, devant des reprĂ©sentants du rĂ©gime. Les Ă©lĂšves et mĂȘme des enseignants, ont Ă©tĂ© poursuivis et frappĂ©s Ă coups de matraque pour avoir refusĂ© dâobtempĂ©rer. Certaines ont dĂ» ĂȘtre hospitalisĂ©s
Asra a été frappée trop fort: elle a été rendue à sa famille dans une housse mortuaire.
Viens, et sois une de ces Ă©coliĂšres qui vont encore Ă lâĂ©cole tous les matins, et refusent de se couvrir les cheveux, et refusent Ă©galement de se laisser imposer la propagande du rĂ©gime, et risquent lâempoisonnement au gaz et les abus sexuels.
Alors quâelles savent ce qui est arrivĂ© Ă Asra
Viens en Iran si tâes un homme,
Viens et sois Nasrin ¶
Qui se bat sans relĂąche pour les droits humains, les droits des femmes et les droits des prisonniers politiques, au point dâen devenir une elle-mĂȘme et dâendurer des annĂ©es dâisolement.
Sa santé est fragile et de temps en temps elle est libérée sous caution ou assignée à résidence, mais à chaque fois, au détriment de sa propre sécurité et de celle de sa famille, elle reprend la parole, toujours, exigeant la justice, haut et fort,
Nasrin retournera en prison, encore et encore, et continuera Ă parler quand mĂȘme.
Viens et sois Atena, Fatemeh et tous les autres avocats et dĂ©fenseurs des droits humains qui continuent dâĂȘtre envoyĂ©s en prison. Encore et encore.
Alors quâils savent bien comment ça finit.
Viens en Iran si tâes un homme,
Viens et sois Niloufar et Elaheh ¶
Viens et sois Niloufar et Elaheh qui ont Ă©crit dans la presse sur la mort de Mahsa Amini, aprĂšs quâelle ait Ă©tĂ© transportĂ©e Ă lâhĂŽpital avec tous les symptĂŽmes dâune hĂ©morragie cĂ©rĂ©brale, suite Ă son arrestation brutale pour port inappropriĂ© de son foulard, et ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es et emprisonnĂ©es pour avoir fait leur travail de journalistes.
CâĂ©tait il y a des mois et elles risquent maintenant toutes les deux dâĂȘtre exĂ©cutĂ©es pour espionnage.
Viens et sois Nazila, Elnaz et tous les autres journalistes qui essaient de faire leur travail et de raconter au monde ce qui se passe en Iran,
Alors quâils sont au courant de ce qui est arrivĂ© Ă Niloufar et Elaheh
Viens en Iran si tâes un homme,
Viens et sois Aida ¶
Viens et sois Aida, qui se rendait chaque jour au domicile des manifestants blessĂ©s aprĂšs sa garde Ă lâhĂŽpital, pour soigner leurs blessures sans les exposer au risque dâĂȘtre arrĂȘtĂ©s sâils se rendaient aux urgences.
Aida a disparu lors dâune de ces rondes et a Ă©tĂ© rendue Ă sa famille dans une housse mortuaire
Viens et sois un de ces mĂ©decins, infirmiĂšres ou mĂȘme vĂ©tĂ©rinaires qui continuent de faire le sale boulot, rĂ©parant les peaux dĂ©chirĂ©es et les os brisĂ©s, nettoyant les yeux explosĂ©s et les plaies ouvertes, au cĆur de la nuit, dans les arriĂšre-cours et les salons Ă travers lâIranâŠ
Alors mĂȘme quâils savent ce qui est arrivĂ© Ă Aida.
Viens en Iran si tâes un homme,
Viens et sois Bahar ¶
Viens et sois Bahar, qui a postĂ© en ligne ses peintures et distribuĂ© des flyers en faveur de la rĂ©volution, et a Ă©tĂ© poursuivie jusquâĂ son appartement par des agents en civil avant dâĂȘtre jetĂ©e par sa propre fenĂȘtre.
Viens et sois Astiaj ¶
Viens et sois Astiaj, qui a Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă 10 ans dâemprisonnement, aux cĂŽtĂ©s de son petit ami, pour le crime dâavoir dansĂ© ensemble devant la tour Azadi.
Viens et sois lâun des artistes anonymes qui risquent leur vie en diffusant leur art au grand jour, mĂȘme sâils savent ce qui est arrivĂ© Ă Bahar et Astiaj
Viens en Iran si tâes un homme
Viens et sois Zeynab ¶
Zeynab Ă©tait le stĂ©rĂ©otype de lâInsta-Mamma, avec une touche de fiertĂ© tribale en plus (oui, lâIran est une nation de nombreuses tribus).
Zeynab publiait fiĂšrement photo aprĂšs photo de ses deux garçons et de son mari Maysam en tenues tribales traditionnelles complĂštes, et des vidĂ©os de son premier-nĂ©, lâingĂ©nieur en herbe Kian, ĂągĂ© de 9 ans, expliquant ses inventions et ses expĂ©riences.
Au cours des manifestations qui ont accompagné dans tout le pays la cérémonie de deuil marquant le 40e jour aprÚs la mort de Mahsa Amini, la voiture de Zeynab a été prise pour cible par les forces du régime.
Son mari Maysam a reçu une balle dans la colonne vertĂ©brale et, Ă ce jour, nâa pas rĂ©cupĂ©rĂ© sa mobilitĂ©.
Kian a reçu une balle dans la poitrine et en est mort. Mais sa mĂšre sâest assurĂ©e quâil ne voie jamais lâintĂ©rieur dâune housse mortuaire.
AprĂšs 40 jours de manifestations et des dizaines dâhistoires dâhorreur, Zeynab savait que les forces du rĂ©gime ont pour habitude de retenir les corps de leurs victimes en otage, pour faire pression sur les familles, procĂ©dant parfois Ă des enterrements secrets dans des cimetiĂšres alĂ©atoires, Ă leur insu.
Ainsi, alors que son mari blessĂ© (et parfaitement ignorant du sort de leur fils) Ă©tait emmenĂ© Ă lâhĂŽpital, Zeynab, qui devait encore sâoccuper de son fils cadet de 4 ans, a fait du porte-Ă -porte, demandant Ă un voisin aprĂšs lâautre des blocs de glace, pour empĂȘcher le corps de son enfant de se dĂ©composer en attendant lâenterrement.
(vous pouvez faire une pause de quelques secondes ici, le temps de comprendre pleinement le sens de la phrase prĂ©cĂ©denteâŠ)
Lors des funĂ©railles de Kian, Zeynab a chantĂ© une comptine sur sa tombe et a changĂ© les paroles en insultes contre le rĂ©gime tueur dâenfants.
La police est intervenue et lui a pris le micro.
Zeynab a juste chanté plus fort.
Des mois plus tard, aprĂšs avoir traversĂ© la douleur atroce de perdre son enfant, dâavoir dĂ» annoncer la nouvelle Ă son pĂšre, puis de lâavoir ramenĂ© de lâhĂŽpital avec une colonne vertĂ©brale brisĂ©e et un cĆur plus brisĂ© encore, et malgrĂ© les menaces constantes du rĂ©gime, Zeynab, rĂ©clamait encore justice sur Instagram.
AprĂšs avoir Ă©tĂ© licenciĂ©e de son poste dâenseignante et convoquĂ©e au tribunal (tout comme son mari toujours alitĂ©), Zeynab publiait toujours des photos, des vidĂ©os et des poĂšmes, et rĂ©clamait justice.
A ce jour, elle ne sâest toujours pas tue.
Si tu es un homme, viens et sois Zeynab.
Viens et sois toutes les mĂšres iraniennes qui refusent de se taire, aprĂšs avoir tant perdu, et alors mĂȘme quâelles savent quâelles ont encore tant Ă perdre.
Si tu es un homme,
Viens en Iran et sois une femme !